OEMES et ETTRES

ANS RONTIERES

NUMERO 28

Table des matières

-------------------EDITORIAL……………………………..……..Bernard HAUDUC

-------------------AIMER………………………………………….Jacqueline CENREAUD

-------------------BALLADE A LA NATURE…………………….Bernard HAUDUC

-------------------L’UNIVERSALITE QUANTIQUE…………….Georges Gabriel HOSTINGUE

-------------------A UNE AMIE LOINTAINE…………………….Emilienne COTTRELLE

-------------------L’ORIGINE DU FEU……………………………Andrée CERDAN-JARA

-------------------EGAREMENT………………………….……….Claude VERHAEGEN

-------------------IL FAUDRAIT..……………………..…………..Marcel BRUN

-------------------La Chanson Française ………………………….Chronique de la revue

-------------------LE POURQUOI DU COMMENT……………..Henri HEINEMANN

-------------------LA LIBERTE……………………………………Jacqueline CENREAUD

-------------------LEXIMAGE………………………………..……Jean-Pierre GHIO

-------------------CHATEAU BLEU……………………….………Henry-Claude BURET

-------------------MAGNOLIA……………………………………..Emilienne COTTRELLE

-------------------18.02.83…………………………………..………Georges-Gabriel HOSTINGUE

-------------------LE SONNET……………………………………..Marcel BRUN

 RETOUR AU SOMMAIRE GENERAL

 

 

 

 

 

 

 

EDITORIAL

Est-ce l’approche de l’an 2000 qui réveille des peurs ancestrales au plus profond de certaines personnes. Toujours est-il que le docteur J.M.Abgrall est à la une de l’actualité en ayant publié un ouvrage intitulé " les charlatans de la santé " et un second sur les sectes.

Encouragement à la population d’un style de pensée qui remonte à la dernière guerre ; vous pouvez faire acte de délation si l’un de vos voisins semble appartenir à une secte. Comment le reconnaître ? s’il s’habille d’une façon qui vous paraît bizarre, s’il a des habitudes, des lectures qui peuvent laisser supposer que.....

Il est vrai que certaines sectes sont dangereuses, mais ici il y a confusion, amalgame d’un peu de tout. Qui dit secte, implique la notion de sectaire, d’idées que seules les personnes appartenant à un groupe partagent. Or les religions, les partis politiques , les syndicats, organismes représentatifs dans notre pays peuvent être assimilés à des sectes car ils défendent leurs idées ou croyances, estimant être les seuls à avoir raison. Certaines religions ou idées politiques sont si sectaires que parfois cela conduit à des guerres intestines (Irlande, Corse).

En fait il conviendrait de différencier, les organismes sectaires qui privent les hommes de leur liberté, qui les exploitent. Mais non de faire une confusion entre tout et tous à partir du moment où un docteur-psychiatre, à savoir le Docteur J.M. Abgrall n’apprécie pas tel ou tel organisme. A se demander même s’il ne fait pas une projection de ses propres pensées sectaires.

Car dans l’autre ouvrage " les charlatans de la santé ", il s’en prend à tout le monde, que ce soit le yoga, l’homéopathie, la kinésiologie, la radiesthésie, enfin bref tout ce qui n’est pas référencé dans la table des différents praticiens établie par la caisse nationale d’assurance maladie. Pourtant il faut savoir que la France est très en retard dans les thérapies parallèles car certaines d’entre elles sont remboursées dans nos pays voisins. Ainsi toutes les médecines alternatives sont officielles et remboursables en Allemagne.

Pourquoi parler d’un tel sujet dans notre revue. Car le poète n’est pas toujours un doux rêveur, mais il sait être aussi comme " Gringoire ". Nous devons toujours veiller d’autant plus que le docteur Abgrall travaille pour le gouvernement et que ses ouvrages nuisent aussi bien aux thérapeutes qu’aux personnes. Heureusement le milieu médical bouge et réagit. Ainsi le docteur Gilbert Defaut dans la revue " Vérité Santé " écrit une lettre ouverte au docteur Abgrall. En voici un extrait :

" Cher faux confrère, après que vous eussiez catalogué arbitrairement 3000 médecins d’appartenance à des sectes, après que vous eussiez réduit à néant la carrière et l’oeuvre de chercheurs indépendants émérites, vous affublants tels les grands inquisiteurs du Moyen-âge de la mission suprême (divine, morale ou déontologique ?) d’épurateur de la -vertu médicale-, sachez que vous vous êtes vous-mêmes isolé, séparé, coupé, -secté- de la grande majorité du corps médical.

Votre sombre tâche au service des ministères qui ne souhaitant pas se salir les mains eux-mêmes sous la coupe et pour le compte des trusts pharmaco-chimiques vous classe d’office dans les dinosaures de la médecine, alors que l’on sait que 40% des occidentaux utilisent les médecines alternatives (y compris praticiens de la médecine officielle).

Vraiment, l’intégrisme fanatique de votre ouvrage et de votre fonction publique ne permettent plus de vous prendre au sérieux. Aussi je peux sans risque prédire que lorsque l’histoire de la médecine sera enseignée à nos petits enfants, ils auront de bonnes raisons de ne pas vous aimer, vous étant vous-mêmes illustré en tant que détracteur officiel de l’évolution médicale. "

En écrivant " La poésie est une thérapie " je me sens concerné, car cette affirmation que je cite est issue de la kinésiologie, thérapie holistique que le docteur Abgrall met au pilori dans son ouvrage " les charlatans de la santé ".

Attention poètes ! demain vous ne finirez peut-être pas comme Garcia Lorca, mais si vos poèmes équilibrent, apportent du réconfort, donnent à rêver, on vous qualifiera peut-être de charlatan ou de sectaire.

La poésie est une thérapie.

Bernard HAUDUC

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AIMER

Aimer et soutenir, à tous, ne peut convenir !
Il faut être fort, accepter le tort !
L’être en déséquilibre, ne peut bien vivre !
Parfois, tout il rejette et peut être abjecte !
Pour le soulager, dans ses difficultés,
Il faut sacrifier, jusqu’à son identité !
Savoir souffrir, pour qu’il puisse guérir,
Faire abstraction de soi, quoi qu’il en soit !
Et ne pas s’attendre, à ce qu’il vous le rende !

Jacqueline CENREAUD

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BALLADE A LA NATURE

à GAIA notre Mère-Planète

Argentée, l'eau claire et limpide
se faufile, tel un courlis,
entonnant une chanson timide,
reprise au fil de ses longs plis.
Les nénuphars et les roseaux
entrouverts dans la nuit,paressent,
se balançant au gré du vent chaud,
qui me chuchotent mille promesses.

Denses, les vertes chevelures,
parmi les courants éternels,
laissent voltiger tendres et pures,
leurs tresses en désordre, pêle-mêle.
Par les longs tapis bigarrés,
de ma main douce je caresse
de pauvres animaux égarés
qui me chuchotent mille promesses.

Sur les velours verts de mousse,
étoilée au matin en pleur,
sous la fraîche lumière rousse,
fleurit en boutons, le bonheur.
D'un pas léger je foule l'herbe,
pendant qu'aux cieux lointains, paraissent
des astres brûlants en gerbes,
qui me chuchotent mille promesses.

Oh ! Déesse de la rêverie,
vers toi emmène moi sans cesse,
par tes forêts et tes prairies
qui me chuchotent mille promesses.

Bernard HAUDUC

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L’UNIVERSALITE QUANTIQUE

Lorsque vous avez refoulé tous les systèmes
vous immergez dans votre sainte nudité ;
c’est alors que vous pouvez sans timidité
vivre intensément et broder sur tous les thèmes.

Le parcours du vivant n’est que vie de bohème
à l’assaut de vertueuses complexités
qui projettent pour nous trompeuses vérités,
parées d’amour, sous de fallacieux théorèmes.

Mais je suis bien là, onde autant que particule,
gavé d’hier, ne me sentant pas ridicule
pour affronter sans peur le collectif destin.

Sincèrement, mes soucis sont aussi les vôtres;
je suis persuadé, dans ces cycles sans fin,
que je suis moi, je suis aussi tous les autres.

Georges Gabriel HOSTINGUE
(extrait de Poésies d’hier et d’aujourd’hui)

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A UNE AMIE LOINTAINE

Pouvoir lui écrire ce qu’on a sur le coeur,
Lui raconter sa joie mais aussi ses malheurs,
L’imaginer de loin vaquant dans la maison,
Déplaçant les objets sans rime ni raison
Tout simplement pour faire passer le temps,
Et de notre côté en faire tout autant.
En pensée la suivre sur le chemin
Qui mène à l’église, le matin,
Savoir que sa prière qui monte vers le ciel
Est pour ceux qu’elle aime et non pour elle.
Partager ses soucis comme elle partage les vôtres,
Prendre en commun la peine des autres
Et la sentir présente à tout instant
Cette amie lointaine d’un autre temps.

Emilienne COTTRELLE

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L’ORIGINE DU FEU (Extraits)

Toute vie en son centre
cristallise
ils se dirent qu’ils ne se reverraient jamais
c’était bien là l’unique moyen d’éluder la
blessure
de se fixer rendez-vous au plus clair du
noyau du temps
en ces berges essartées d’enfance

D’un geste lent
ramenant vers soi les pans d’un silence
raisonné
ils se sont séparés

Ils le savaient bientôt viendraient les happer
tant de stridences
celles du désir muselé
innocents
par aversion simple du vice et de la laideur

Andrée CERDAN-JARA

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EGAREMENT

La jeunesse quittée, pour bien passer le temps,
je lisais longuement des livres qui livraient
quelques enseignements (des secrets de vieux ans).
l’occultisme passé s’écrit en vieux français.

J’étais complètement pris dans un vieux mystère
sans le comprendre bien ; j’en été envoûté.
Cela m’avait un peu changé le caractère :
je croyais aux esprits. J’en été habité.

Puis tout cela passa : ma raison eut raison
de ces complexités. Il eut été dommage
que je m’enferre fort dans cette fixation
qui n’a été pour moi qu’un grand désavantage.

Car étant occupé par une maladie,
je ne lus plus jamais ces étranges auteurs
inventant une vie au-dessus de la vie
qui n’avait rien à voir avec tous nos malheurs.

Et ainsi délivré de ce monde insensé,
car mesurant soudain ce savoir inutile,
je décidais alors d’être toujours sensé
et d’apprendre le vrai qui me serait utile.

Claude VERHAEGEN 14/08/79

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IL FAUDRAIT......

Il faudrait avoir le courage de vider son cœur
et ses mains
de l’inutile et de l’indispensable.

Il faudrait donner avec joie, avec amour, avec
délicatesse,
car le don angoissé n’apporte pas la paix, le
sourire attendu.

Il faudrait ainsi dépouillé, devenir un soleil
pour tous ceux qui ont froid et pour ceux dont
la vue se trouble...
même s’il faut brûler pour devenir cela.

Il faudrait être le chemin pour tous ceux qui
avancent et qui doivent monter...
même si ce chemin doit être piétiné.

Il faudrait, pour ceux qui s’enlisent, être la
main tendue...
au risque de se perdre et de s’enliser avec eux.

Il faudrait tout aimer et il faudrait se faire
un coeur immaculé...
pour l’offrir à la boue si de boue dont nos frères.

Marcel BRUN

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La Chanson Française

Un peu perdues dans le raz de marée de " techno-rap-pop-rock " qui déferle sur les ondes, quelques radios ont choisi le créneau de la chanson française. C’est le cas de Chante France (90.9 FM sur Paris et région parisienne uniquement), qui diffuse 24h sur 24, 100 % de chansons françaises, allant des années 60 à nos jours, avec une grosse préférence pour les tubes des années 80. Radio Montmartre, récemment transformée en MFM (102.7 FM à Paris et 57 fréquences en France), s’adresse aux auditeurs de plus de 40 ans et diffuse 80% de chansons françaises, des années 60 à 90. Quant à Nostalgie (90.4 FM à Paris et une couverture de l’ensemble du territoire), avec 60% de chansons françaises, elle vise un public de 35 ans et plus, avec une programmation qui favorise les tubes des années 50,60 et 70.

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LE POURQUOI DU COMMENT

Aux racines du moi
se terre le pourquoi

Le comment intrigue
émerveille

on le soumet à la question
tant et si bien qu’il vend la mèche
par bribes
les savants sont là

l’humain soulage au fil des ans
sa vessie pleine de comment

C’est affaire de longue insistance
aux instances du vouloir connaître

le comment des invertébrés
des humeurs et des tourbillons
celui des gigues qui se font
dans les étreintes cellulaires

Le comment du flair des abeilles

le tourne-boule des novas
sous le rire écorné des lunes

En fait le comment
gentiment effeuille
la marguerite des mystères

Il amuse la galerie

de sorte que
têtes sans corps
demain nous aurons tout trouvé
du comment enfin presque tout
l’ordinateur dira le reste

cependant que
l’âme Gros-Jean comme devant
aura beau fouailler son terroir
et l’ensemencer bel et bon
ce sera pied de nez au compte du pourquoi

Mille sondes ne sauront jamais
la fronde du non-temps antérieur
ni mille comment ne sauront
le transcendant qui bute à mes lèvres

en ce royaume-ci

Dieu se charge de l’autre
où sont toutes les clés qui manquent au trousseau

Henri HEINEMANN (L’heure Obsidienne)

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LA LIBERTE

Au nom de la liberté,
Personne ne doit se choquer !

Chacun de nous peut faire,
Tout ce qui peut lui plaire !

Ici, tout est permis,
Mais... C’est qui qui l’a dit ?

C’est l’anarchie complète,
Alors, fini la fête,

Au nom de la liberté,
Aux règles.... l’on doit se plier !

Jacqueline CENREAUD

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LEXIMAGE

Je brade des vers de quatre sous
Aux relents de popuraille

Le style m’indiffère
De Batine ou Lamartaille
Et de Présart à Ronvert
Fais foin de gare-tabou

La fleur d’argot m’est salutaire
Le propulo c’est mon affaire
J’accouche ventratérère
De mots tumérifaires

De tourinelles de bazar
Pleines de mires croquignomiques
Avec des chutes de rananars
A faire braquer l’eccrésiastique

Humanicule mon petit prot
Je prends en garche c’est mon lot
Et ta souffrance et ta miresère
En glafouillant les maux d’la Terre

Gloillons en choeur gaillardement
Mais en nos coeurs choyons la foi
Peut-être qu’un jour une pleutite voix
Fera s’envivre le printemps

Voilà pourquoi
Je brade des vers de quatre sous
Et je fais foin de gare-tabou

Comprenne qui pourra

Jean-Pierre GHIO (Japon)

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CHATEAU BLEU

(OU L'AMOUR FOU)

Dans le petit enclos qu'il a quitté depuis vingt ans et qu'il revoit ce soir en songe, il est poussé soudain en arbre étrange, un de ces arbres qui ne prennent racine que dans nos rêves.

Quand il s'efforce de retrouver les noms aimés qu'il aurait pu jadis graver sur le tronc, brusquement le feuillage tremble et une pluie de gouttes glaciales l'arrose de la tête aux pieds, comme des larmes.

LO TA - KANG
(Arbre - 1945)

 

Vincent ne pouvait détacher ses yeux du vert paysage qui l'entourait. Il roulait déjà depuis plusieurs heures. Une odeur de tabac blond envahissait encore la voiture. Près de lui le siège vide et qui resterait vide désormais.

Nadia avait décidé de rompre, de lui casser son bonheur, de briser tout net ce qui faisait sa joie de vivre. Il conduisait dans un état second. Il avait volontairement arrêté la radio de bord qui retransmettait un concerto de Mozart. Il ne pouvait plus supporter cette musique. Elle élevait son âme vers des sommets qu'il ne pouvait plus atteindre qu'avec Nadia. Sans elle, ce n'était plus que des sons insupportables. Il revoyait cette auberge de campagne, ce décor champêtre et luxueux tout à la fois, où ils s'étaient arrêtés pour dîner et se reposer d'une agréable journée passée dans la nature, une évasion de plus volée au temps qui leur faisait défaut. Nadia paraissait tendue, puis, brusquement, elle avait renoncé à tout ce qui faisait l'essentiel de leur vie depuis quelques années. Les incompatibilités de l'existence n'étant pas les seuls prétextes.

- Ne soit pas triste, lui avait-elle dit avec inconscience.

- Elle est immense cette forêt, elle n'en finit plus, pensa Vincent, qui, depuis quelques temps prenait virage sur virage pour suivre les méandres de cette route sans fin. De chaque côté, des arbres, quelques rares clairières, puis encore des bois touffus et sombres. Sa douleur était extrême. Il ne pouvait pas supporter cette séparation. Il ouvrit la vitre pour respirer davantage, essayer de se décontracter, de ne plus penser à cet amour infini dans lequel il avait plongé tête baissée, amoureux comme il ne pensait jamais plus le devenir. Nadia répondait parfaitement à ses pensées, à ses plus intimes désirs. De plus, il restait ébloui par tant de choses, visions fugitives d'un être qu'il ne se lassait pas de découvrir, et dont il ne concevait pas l'abandon. Chaque jour apportait sa moisson de souvenirs. Et cependant Nadia était sans concession, sans indulgence. Il aurait dû s'en inquiéter depuis longtemps. Il fallait qu'il y eut un jour une conclusion, mais, de, tous ces merveilleux souvenirs accumulés dans sa mémoire, et de ce magnifique amour qu'il avait cultivé, et dont il avait fait une cathédrale, il ne pouvait pas en envisager la perte. C'était au-dessus de ses forces. Nadia perdue, c'était le retour à une grisaille sans fin qu'il ne pouvait plus assumer.

Il freina brusquement. Devant la voiture deux enfants lui faisaient des signes. Un petit garçon en costume sombre tenait par la main une ravissante fillette vêtue d'une longue robe blanche et portant sur la tête une couronne de roses.

- Où suis-je ? pensa Vincent, et que font ces enfants dans cette forêt ?

Sur une signe de leurs mains, il engagea la voiture dans un chemin qu'ils lui firent découvrir. Il baissa la vitre et leur demanda :

- Que m'indiquez-vous ?

- Prenez ce sentier qui monte, Monsieur, et vous arriverez à Châteaubleu. Vous êtes attendu.

- Par qui ? demanda Vincent.

- Nous ne le savons pas, répondirent les enfants qui s'éloignèrent devant lui en riant.

Il remit la voiture en marche et regarda autour de lui. Il était sur un petit chemin creux, très boueux, car il devait avoir plu la veille. La pente était raide et il dû passer sa première vitesse. Des trous pleins d'eau faisait jaillir des gouttes jusqu'au pare-brise. Il sentait par instant la voiture déraper sur ce sol rendu glissant par la boue et l'herbe mouillée, et toujours des arbres sans rien apercevoir devant lui. Les enfants avaient disparu.

- Par où sont-ils passés ? se demanda Vincent.

La nuit tombait, il alluma les phares. Alors, enfin, au détour du chemin, brusquement, le château apparût. Il était flanqué d'une chapelle en ruine sur son flanc droit, des dépendances s'étendaient sur la gauche où des chevaux se devinaient.

C'était un magnifique château du XVème siècle. Il avait une particularité toute la façade était bleue, ce qui, à la lueur des lanternes qui s'allumaient dans le soir, le rendait presque irréel, impressionnant et insolite au milieu de cette forêt.

Vincent alla ranger la voiture sous un hangar et se dirigea vers le perron. Une vieille dame respectable se tenait sur le seuil.

- Entrez vous réchauffer au salon, monsieur, nous allons vous servir un thé chaud.

- Oh ! vous avez du thé, répondit spontanément Vincent sans s'étonner davantage. Il était toujours dans un état second, et tout pouvait arriver sans qu'il en saisisse vraiment le sens. Il se sentait terriblement las et courbaturé par ses longues heures de route.

Il regarda autour de lui. Un bon feu de bois brûlait dans une grande cheminée. Des fauteuils profonds, propices au repos offraient leur confort. La pensée de Nadia vînt aviver sa douleur endormie.

- Nous serions si bien ici, pensa-t-il.

De nombreux tableaux décoraient les murs. Il se leva pour mieux les contempler. Il ressentie alors une grande émotion et un profond étonnement.

- Des toiles de Nadia, ici ! murmura-t-il, quelle extraordinaire coïncidence.

Cela ne fit que raviver sa douleur. Il sentit à nouveau tout le poids de cet abandon.

- Elle devait illustrer mon livre, pensa-t-il encore.

La dame du château revenait, avec, sur une table roulante, une théière qui fumait et des pâtisseries appétissantes.

Vincent s'assit face à l'escalier qui devait conduire aux étages supérieurs. Il évitait de regarder les toiles de Nadia, mises en valeur par d'habiles effets de lumières. Il avait à nouveau très mal, et il sentait la fatigue l'envahir.

Il se servit du thé et, levant les yeux vers l'escalier, il vit Nadia qui descendait vêtue d'un pantalon noir et d'un gros chandail bleu.

Elle vînt vers Vincent souriante et silencieuse. Elle se blottit contre lui sur le sofa et se servit du thé. Dehors un éclair déchira le ciel et tout de suite après, une forte pluie vînt frapper les vitres. La nuit était maintenant complète et une musique douce se faisait entendre.

- Du Mozart, dit simplement Nadia. Et ses longs doigts effleurèrent la joue de Vincent qui tressaillit. Si nous restions ici, dit-elle encore, nous serions merveilleusement bien.

Elle s'étira comme un chat et lui tendit ses lèvres tièdes et douces qu'il aimait tant.

Et Vincent, pour une nuit sans fin, rejoignit son rêve.

Quand les gendarmes arrivèrent sur les lieux, ils ne retrouvèrent plus rien dans la voiture qui achevait de se consumer au fond du ravin.

Henry-Claude BURET
Sociétaire des Gens de Lettres

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MAGNOLIA

Connaissez-vous la fleur de magnolia ?
L’une d’elles s’épanouit, là,
Dans un vase noir, sans éclat.
Ses larges pétales d’un blanc d’ivoire,
lourds, épais et incurvés,
S’ouvrent lentement, entourés
De feuilles luisantes et foncées.
Un parfum doux et grisant à la fois
De la fleur majestueuse, s’exhale
Et envahit toute la salle.

Les yeux fermés, j’évoque des paysages,
Des plantes eux odeurs sauvages
Et des robes aux mille couleurs
Parmi les magnolias en fleurs.

Emilienne COTTRELLE Montry, le 6 juillet 1994

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18.02.83.

Parmi les choses qui existent, il en est de deux sortes. Celles qui portent une graine, et les autres : ce sont les créatures et les créations. Seules les créatures à quelque règne qu’elles appartiennent expriment pleinement les relations d’amour. Les créations, scientifiques ou artistiques, sont l’oeuvre de la main ou de l’intelligence de l’homme et ne distillent qu’un reflet de ses relations d’amour ; elles ne vivent pas et retournent un jour ou l’autre au Réservoir. Les créations de l’animal se limitent aux nécessités de la survie de l’espèce. La manipulation et à plus forte raison l’admiration ou l’amour pour ces objets de densité humaine appauvrissent l’homme dans un certain sens. Disons plus exactement que si cette manière de procéder développe l’intellect, elle diminue par ailleurs la sagesse et la richesse du coeur. Le contact, la pratique, l’amour, du règne végétal ou animal développent infiniment plus la spiritualité que l’approche des fabrications humaines, même si elles sont artistiques ou scientifiques.

C’est la Nature qui est notre véritable véhicule et notre véritable école pour vivre et apprécier cet amour universel qui demeure notre but. Ceux qui agissent uniquement avec les mains ne font que manipuler et perdent rapidement la richesse du coeur. Ils peuvent bien sûr associer le coeur et obtenir des oeuvres à dimensions humaines qui soient le reflet des créations divines. Mais jamais, absolument jamais, rien n’égalera durant notre époque ou notre ronde selon votre langage, rien n’égalera la puissance, la majesté d’une fleur ou d’un animal et à plus forte raison le tour d’esprit qui est dans l’homme.

Il est plus utile ou tout au moins de meilleure qualité pour l’esprit de contempler une fleur ou caresser un animal, que de fabriquer quoi que ce soit, artistiquement ou pas. Non pas que je critique l’artiste, qui essaie sans nul doute de diviniser quelque chose... l’intention est bonne... mais il n’y parviendra jamais. La vie ne s’exprime que par la graine... et tout ce qui est démuni de graine, n’est que fabrication morte. Nous ne devons être en adoration ou en communion que devant ce qui est vivant ; nous ne devons consommer que des choses vivantes que ce soit notre corps ou notre âme qui consomment. Si nous voulons que la Vie pénètre en nous, nous devons procéder ainsi. Lorsque nous aurons éliminé toutes les impuretés qui ne sont que fabrication, nous pourrons alors dire non seulement que la Vie est en nous, mais que nous sommes la Vie, comme le diamant est le carbone pur.

Le propre de la Vie est de continuer et de toujours devenir. Tout ce qui est démuni de graine, s’altère, périclite, et finit par disparaître pour retourner au Réservoir neutre des atomes disponibles. Le seul résultat obtenu et à mettre en compte du manipulateur, du scientifique, de l’artiste ou de la femme, c’est d’avoir restitué au Grand Réservoir, des atomes de meilleure qualité que précédemment. Ces atomes en effet, riches de leurs expériences humaines, seront plus aptes à construire des formes plus élaborées car ils ont une sorte de mémoire. Le règne minéral ne peut exercer que cette mémoire, c’est sa Vie élémentaire à Lui. Mais cette vie existe et est identique dans son essence à tout ce qui est animé dans notre univers. C’est une vie potentielle.

Dieu anime, l’homme façonne. Ce qui est animé devient éternellement ; ce qui est façonné, meurt, pour être refaçonner un jour ou l’autre... de sorte que certains atomes sont animés et d’autres sont façonnés. La démarche des uns et des autres est collective soit qu’ils existent, soit qu’ils vivent. Les créatures vivent : les créations existent momentanément.

L’existence est éphémère, alors que la Vie est éternelle.

L’enrichissement et la mémoire des atomes sont si vrais qu’un jour des scientifiques feront une expérience. Ils confirmeront par cette expérience ce qui est affirmé par ailleurs dans de nombreux textes, à savoir que dans les cimetières la végétation est à nulle autre pareille.

Tous les atomes utilisés à travers le corps physique de l’homme sont restitués à la terre plus riches qu’ils ne l’étaient avant cette utilisation. Ils conservent une sorte de mémoire qui se traduit par une meilleure aptitude à constituer une forme plus élaborée que précédemment. C’est de cette façon que se fait l’évolution des formes parallèlement à l’évolution des esprits.

Un jour des savants recueilleront de l’humus constitué uniquement par des déchets de corps humain, peut-être même ne recueilleront-ils que des déchets constitués par le pourrissement de cerveaux humains. Avec ces déchets, ils feront croître des plantes qui présenteront immédiatement des types de mutations inobservés jusqu’alors. A l’aide de ces plantes, ils nourriront les animaux, puis des hommes, et ils constateront des mutations et des anomalies plus grande encore. C’est alors qu’ils ne devront pas commettre les mêmes erreurs que nous avons déjà commises du temps des Atlantes ; ils devront trier ces anomalies et canaliser des mutations afin de ne pas travailler à rebours. D’ailleurs leur travail sera surveillé d’en-haut et ne pourra être que finalement bon, même si dans un premier temps les effets auront été (ou ont été) mauvais parce qu’orientés vers une finalité prématurée.

La spiritualité elle-même pratiquée à un très haut niveau, l’amour universel exercé avec plénitude, provoquent dans les cellules du pratiquant, dès maintenant, la sécrétion de certains corps qui jouent un rôle considérable. On peut affirmer que la spiritualité associée à l’amour sécrète des éléments protecteurs à la façon dont l’adrénaline se manifeste sous certaines conditions. Cette démarche des cellules peut assurer une protection même devant la radioactivité. C’est ainsi qu’un jour il pourra vous être démontré que certains seront contaminés alors que d’autres ne le seront pas, de la même façon qu’au Moyen-Age les 2/3 de la population succombaient devant la peste alors qu’un tiers restait insensible au mal.

Par contre une pratique démentielle des sciences et des techniques sans y associer un amour permanent de l’univers provoque chez l’individu un appauvrissement des tissus et un rejet de la vie sous toutes ses formes. Trop d’intellect provoque un dessèchement du coeur et même des cancers.

Si le feu prend chez vous, vous avez deux solutions : sauver le chat ou sauver le Picasso planté au mur. Si vous sauvez le chat, vous avez tout compris.

Soyez à l’écoute de vos besoins somatiques à travers la diversité de vos cellules. Celles-ci savent trier les acides aminés qui constituent les différents registres de protéines. Tout cela prolifère dans l’univers vivant et si la terre vient à manquer d’efficacité, nous cultiverons des bactéries qui seront à même de produire massivement les acides aminés nécessaires.

Si vous voulez en savoir d’avantage sur ces questions là, lisez donc Albert Ducroq. Il vous convaincra. Donc ne laissez pas vos ADN à l’abandon et dans l’inculture... à moins que vous ayez décidé de changer de cadavre.

Georges-Gabriel HOSTINGUE
L’EVANGILE de L’AN 2000

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LE SONNET

extrait de " Les techniques de la poésie classique " (suite du n°27)

Quoi qu’il en soit, il est une autre manière qui parait plus heureuse et que, par conséquent, je dois signaler : la manière anglaise. Elle consiste à composer trois quatrains et un distique, ce qui, au point de vue architectural est certainement mieux équilibré. Une sérieuse amélioration pourrait même lui être apportée, si le troisième quatrain était un quintil. Le dernier vers serait alors nettement détaché et rendrait ainsi possible un maximum de concentration. Mais les puristes alors, ne crieraient-ils pas au scandale ?

De toute façon, et il est heureux qu’il en soit ainsi, des poètes n’ont jamais craint de scandaliser et, par leurs audaces rationnelles et réfléchies, la poésie se meut et demeure vivante.

C’est ainsi qu’une nouvelle forme qui dépasse même ce que je préconisais m’a été signalée par le poète Armand Got. Elle insérée dans l’ouvrage de Jacques Bens " 41 SONNETS TRADITIONNELS " (édité par Gallimard en 1965). Il s’agit d’un tercet suivi d’un vers isolé, d’un quatrain également suivi d’un vers isolé et d’un quintil : ensemble que l’on pourrait schématiser ainsi : AAB C BAAB C CDCCD.

Il y a donc les quatorze vers du sonnet, mais l’architecture est complètement bouleversée. (1)

André Berry, dont la maîtrise en poésie classique ne saurait être discutée, est allé plus loin encore en distribuant les rimes de façon à ce que les quatrains et les tercets du sonnet paraissent non rimés :

" Comme geint par le bois le colombe frileuse 1
Que le pigeon désire en leur donjon d’amour, 2
Ainsi dans son cachot mon âme languissante 3
Loin de son Bien-Aimé pleure toute la nuit. 4

Je saluais vingt fois une aurore naissante, 3
Vingt fois je me levai, les coqs menant grand bruit, 4
Mais ce n’était encor qu’une lune trompeuse 1
Dont les rayons trop blancs m’avaient fait croire au jour 2

Enfin sous le balcon s’en vint chanter ma Rose : 5
Hâtez-vous, les palais d’extase vont s’ouvrir ; 6
Dormez-vous mon Ami, quand Jésus vous appelle ? 7

Alors je le suivis vers la tiède chapelle; 7
Dieu descendit sur moi dans l’aube fraîche éclose, 5
Et du même bonheur je crus naître et mourir. " 6

Cette fantaisie surprenante a sa beauté particulière, mais elle appelle la modération qu’André Berry lui-même n’a pas toujours gardée. C’est ainsi que dans sa " ROMANCE DE LA DAME INTERDITE ET ACCORDEE " les rimes ne se retrouvent qu’au septième vers après celui auquel elles correspondent, ce qui, à mon sens, n’est pas tolérable à nos oreilles oublieuses, à moins d’aller jusqu’aux subtilités de remplacement qu’il a su trouver dans la " MELOPEE POUR LES FUNERAILLES DU MAGNOLIA DE QUINSAC. "

Ceci étant dit, qu’il fallait dire malgré la diversion peut-être dangereuse, revenons à l’historique de cette forme fixe :

Au sujet du dernier vers du sonnet, dont chaque critique ne manque pas de souligner l’importance, Théodore de Banville, dans son " PETIT TRAITE DE POESIE FRANCAISE " a écrit : " Lamartine disait qu’il doit suffire à lire le dernier vers d’un sonnet ; car, ajoutait-il, un sonnet n’existe pas si la pensée n’en est pas violemment et ingénieusement résumée dans le dernier vers.

Le poète des " HARMONIES " partait d’une prémisse très juste ; mais il en tirait une conclusion absolument fausse. Oui, le dernier vers du Sonnet doit contenir la pensée du sonnet toute entière. - Non, il n’est pas vrai qu’à cause de cela il doit être superflu de lire les treize premiers vers du sonnet. Car dans toute oeuvre d’art, ce qui intéresse c’est l’adresse de l’ouvrier, et il est on ne peut plus intéressant de savoir :

Comment il a développé d’abord la pensée qu’il devait résumer ensuite.

Et comment il a amené ce trait extraordinaire du quatorzième vers qui cesserait d’être extraordinaire s’il avait poussé comme un champignon.

Ce qu’il y a de vraiment surprenant dans le sonnet, c’est que le même travail doit être fait deux fois, d’abord dans les quatrains, ensuite dans les tercets, - et que cependant les tercets doivent non pas répéter les quatrains mais les éclairer, comme une herse qu’on allume montre dans un décor de théâtre un effet qu’on n’y avait pas vu auparavant.

Enfin, un sonnet doit ressembler à une comédie bien faite, en ceci que chaque mot des quatrains doit faire deviner - dans une certaine mesure - le trait final, et que cependant ce trait final DOIT SURPRENDRE LE LECTEUR, - non par la pensée qu’il exprime et que le lecteur a devinée, - mais par la beauté, la hardiesse et le bonheur de l’expression. C’est ainsi qu’au théâtre un beau dénouement emporte le succès, non parce que le spectateur ne l’a pas prévu, - il faut qu’il l’ait prévu -, mais parce que le poète à revêtu ce dénouement d’une forme plus étrange et plus saisissante que ce qu’on pouvait imaginer d’avance. "

Marcel BRUN (à suivre)

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