Jean Van NOSTRAND

 

L'ESPERANCE A MIS LES VOILES


Tu n'as pas eu de mirage
Nana a fait ses bagages
L'espérance a mis les voiles
L'ennui a tissé ses toiles

Ce temps qui presse et qui blesse
Dans ces matins sans promesses
Es-tu au début de l'hiver
Perdu au milieu de la terre

La justice qui te guette
Qui te pique comme une guêpe
Ta jeunesse qui fout le camp
La mort qui te montre les dents

La chance passant sans s'arrêter
La clin d'oeil de l'absurdité
Le mépris de l'Anonymat
Ca ce n'est pas du cinéma
Ca ce n'est pas du cinéma.

Jean Van NOSTRAND

 

 

 

POETE MAUDIT

Cette étrange noblesse
Qui te fait tant solitaire
Dans cette vie qui te blesse
Et qui n'a plus de mystère.

Ce réservoir de souffrance
Cet étrange vague à l'âme
Que tes souvenirs d'enfance
Te feraient prendre les armes.

Quand les buildings de la ville
Te semblent de grands miradors
Etouffant ton génie fébrile
Poète maudit dans ce décors.

Tu soupçonnes l'éternité
Chaque fois que tu t'endors
De vouloir t'assassiner
De voler ton âge d'or.

D'un pas nonchalant et blasé
Toi, l'enfant de la liberté
Recherchant d'autres coeurs blessés
Un clin d'oeil de fraternité
Un clin d'oeil de fraternité.

Jean VAN NOSTRAND

 

 

 

MON AMOUR

Ne prends pas peur de mon amour,
Mon amour,
Ne rejette pas mon amour,
Mon amour,
Ne souris pas de mon amour,
Mon amour,
Ne soupçonne pas mon amour,
Mon amour,
Ne suspecte pas mon amour,
Mon amour,
Ne compare pas mon amour,
Mon amour,
Ne sous-estime pas mon amour,
Mon amour,
Ne contrarie pas mon amour,
Mon amour,
Non ! ne trahis pas mon amour,
Mon amour,
Il est unique mon amour,
Mon amour,
Nous ferons l'amour à l'amour,
Mon amour,
Nous ferons l'amour à la mort,
Mon amour,
Jusqu'à la mort
Mon amour,
Nous ferons l'amour à la vie
Toute la vie
Mon amie.

Jean VAN NOSTRAND
15 décembre 1993

 

 

MADAME COUIC

Devant le temps qui trépasse
De l'avenir qui me poursuit
Je suis pris dans une impasse
Avec ma raison qui s'enfuit

Madame COUIC, sourit, ravie
Tapineuse, " tu viens chérie "
Attend le faux pas d'la vie
Ou l'aide de quelques folies

Déjà l'espoir bat de l'aile
Devant le chasseur embusqué
Je ne pige plus rien, j'ai sommeil,
J'en ai marre, j'voudrais détaler
Détaler
Vers des lendemains musiciens
Bercé par les chants des oiseaux
Et du naturel magicien
Joyeux bruissements de ruisseaux

Joyeux bruissements de ruisseaux.


DON
Jean Van Nostrand

 

 

 

MEMOIRE D'UNE VIE CONFISQUEE

Je me souviens de ces matins
Aux premiers jours de printemps
Enveloppés de lourds manteaux de brume,
Entre jour et nuit,
Entre le silence et le chant du coq

J'aimais alors m'enfoncer en rase campagne
Les yeux encore embués de sommeil
Un peu comme un intrus
Qui dérangerait le cours des choses
Déjà les premières sentinelles corneilles
Donneraient l'alarme en direction
De leur petite tribu

Au milieu de ce décor
J'oubliais alors l'existence humaine
J'étais projeté à un million d'années

Il est évident que le cri des corbeaux
Résonnait déjà dans les immenses plaines
Bien avant que les premières silhouettes
Ressemblant de près ou de loin
Au genre humain
Ne se montrent

C'est alors qu'apparaissaient
Les premiers rayons de soleil
Que je vivais à chaque fois
Comme un phénomène extraordinaire
Le ciel se remplissait de
filaments camaïeux rouge,
orange, jaune d'or,
Tout cela s'emmêlant en un
Arc-en-ciel horizontal

C'est à cet instant qu'il me semblait
Qu'une lutte s'engageait
Entre ce qu'il restait de fraîcheur de la nuit
Et du feu impérial du grand disque triomphant

Maître Froid, quant à lui
Se vengerait à son tour le soir venu

Mais, pour le moment, à cet instant dilué
Dans l'espace et l'éternité,
Moi ! je ressentais un tel bien être
Une sorte d'acidulé de température
La douceur du miel prenant de plus en plus
le pas sur l'acide, pincement
du dernier relent de froideur

Oui, que j'aime à me souvenir
De ces matins de printemps
Encore un peu frais et brumeux
Transpercés par de faibles rayons de soleil
Les champs aux herbes courbées
Par le poids de multiples gouttelettes
Argentées, scintillantes, cristallines

Pour moi, cela faisait partie
De ces petits bonheurs
Que je ne devais pas aux humains
Et qu'on ne pouvait encore me dérober

Avec le recul, je pense que je m'identifiais
Aux manifestations de la nature
Aussi, au fur et à mesure que le soleil
Faisait monter la température
Et que la rosée s'évaporait vers le ciel
Je m'enivrais de ces parfums
S'entremêlant les uns aux autres
Quel ravissement !

Au-dessus de ma tête, il y avait aussi
Ces petits oiseaux qui dansaient
En faisant du surplace
Avec de doux mais vigoureux chants :
Une autre façon de faire la fête au printemps.

En remontant le temps, les odeurs de la ferme
Me reviennent
J'écoutais alors le silence
D'une chaude après-midi d'été
C'est l'heure de la sieste
La chaleur semble figer le temps
Même les mouches bleues de la Saint Jean...
Semblaient moins vivaces
Quelques kots de poules
Se font encore entendre
Et il faudra attendre le soir venu
Pour que la vie refasse surface.

Le 25.02.93...
Jean VAN NOSTRAND

 

 

 

CE N'EST PAS SERIEUX

LA MINEURE QUE L'ON NE PEUT PAS TOUCHER
LA BOMBE QUI VA LA DECHIQUETER
LES LOUPS QUE VOUS AVEZ EXTERMINES
LA MER QUI EST EN TRAIN DE S'ASPHYXIER
CE BETON QUI NOUS CACHE L'HORIZON
LE DOLLAR QUI CREVE TOUS LES PLAFONDS
CES ENFANTS QUI N'ONT QUE LE POISON
POUR RETROUVER UN PEU LEUR COEUR D'ENFANTS
LES AMANTS QUI CHANTENT LA LIBERTE
EN OUBLIANT LE MOT FRATERNITE
CES POETES QUE L'ON PREND POUR DES FOUS
ET QUI CREVENT DE RAISON
ET QUI CREVENT DE RAISON

Jean VAN NOSTRAND

 

 

LA VISITE

Il était à peu près 22 heures; ma chambre était à peine éclairée d'une faible lumière, rien ne bougeait si ce n'était quelques filets de fumée de cigarette.

Allongé sur le lit, un livre ouvert que je ne lisais pas, je n'attendais personne, ou plutôt n'attendais plus, moi qui avais tant attendu !

Je pensais qu'il y avait bien longtemps qu'une main ne s'était doucement faufilée dans mes cheveux comme savent le faire certaines femmes. Ma pensée s'était obstinément arrêtée sur cette main. Plus j'y pensais, plus mon coeur se serrait. Puis, comme par je ne sais quel remède miraculeux, je m'endormis profondément sans avoir eu auparavant la possibilité d'éteindre la petite lampe de chevet.

Je ne me souviens pas combien de temps cela dura, mais lorsque je me réveillai, légèrement abasourdi, je m'efforçais de distinguer une silhouette, assise dans le seul fauteuil de cette si petite pièce, et je parvins pourtant à reconnaître le visage immobile. Oui, c'était bien ce beau visage, à la fois femme et petite fille, les cheveux d'un brun bleuté lui faisant étrangement ressortir la clarté de ses yeux bleus.

Après quelques minutes de stupéfaction, je me levai et gauchement, je parviens auprès d'elle.

Pour la première fois, elle était venue dans cette petite chambre où la solitude planait, à la recherche de je ne sais quel amour perdu.

Mais ce soir j'aurais aimé lui donner d'autres lumières, toutes les étoiles de l'Univers...

Très vite, je compris que ce n'était pas la demoiselle rieuse et moqueuse, avec son air indifférent, qui se trouvait en face de moi, car de longues larmes brillaient sur ses joues.

Je me mis à genoux lui prenant les mains. Je lui dis de ne plus pleurer, mais plus je lui disais, et plus mes propres yeux se mouillaient, peut-être de joie de la voir près de moi, peut-être de tristesse en voyant son état, je ne sais.

Me ressaisissant, je la pris calmement dans mes bras, l'étendis sur le lit, me souvenant d'une certaine thérapeutique personnelle.

Je mis un disque de Ferré "un ancien" ou justement se trouvait "La Mélancolie", chanson compatissant à son chagrin. Puis je mis un autre disque, plus banal et léger, gaité passe-partout. La voyant avec un visage plus détendu, je ne pus m'empêcher de poser mes lèvres sur ses yeux encore humides ; puis, longuement laissais mes lèvres sur les siennes en m'imbibant de la chaleur que son corps me procurait.

Tout à coup, semblable à un pantin mécanique, je relevais la tête à la force de mes bras endoloris, puis regardais ahuri, malheureux, l'oreiller que je venais si tendrement d'embrasser.

Jean VAN NOSTRAND

 

 

 

SUIS-JE

Suis-je une République solitaire
Un royaume perdu du fond du Finistère
Une petite Irlande d'une rue de l'Ulster
Une île au beau milieu de votre désert

Suis-je cet indien sans tribu et sans terre
Une révolte qui ne peut pas se taire
Un émigrant émigré de la Vendée
Un poète qui a mal à ses pensées

Suis-je ce cheval inquiet avant l'orage
L'océan, la mémoire des grands naufrages
Le chant du vent, le tourbillon, la feuille morte
La main qui serrera très fort ta menotte

Suis-je le soleil et le gris des nuages
L'oiseau du voyage et le marécage
La plainte du dernier loup, le cerf aux abois
Le souvenir de ce Dieu que l'on ne voit pas

Suis-je la nuit attendant l'aube de son jour
Le chagrin, la pitié, la haine et l'amour
La liberté, la folie et la raison
Traversant les murs, le béton de vos prisons

Suis-je ce chevalier sans croix ni bannière
La tempête, la vengeance et la colère
La blancheur des neiges, l'eau claire, le mystère
Le désespoir conscient après inventaire

Suis-je de ce sexe qui me fait la fête
Et aussi du tien qui se tient dans ma tête
Le feu de RIMBAUD, le fantôme de VERLAINE
Et les moqueries de JEAN DE LA FONTAINE

Suis-je le diable, l'ange exterminateur
La mémoire de l'humiliation, la douleur
Le mensonge nageant dans le bleu de tes yeux
La vérité, le DON QUICHOTTE de Banlieue,

Suis-je la lumière qui dessine vos ombres
Ou bien une mathématique sans nombre
L'aventurier de votre triste quotidien
Le hasard à la recherche de son destin

LE HASARD A LA RECHERCHE DE SON DESTIN

Jean VAN NOSTRAND

 

 

 

PETITE ANNONCE

Désespoir Rencontrerait Mélancolie

Quel est ton nom ?
Moi, orphelin des années 68
Sur mon tourne-disque, il y a papa Ferré
Et l'an 2000 qui me fait un pied de nez
Toi, encore sans visage " Je t'attends "
Peut-être qu'alors devant un verre
Nous parlerons des poèmes, des chansons
Que nous ferons ensemble.

Jean Van NOSTRAND

 

 

 

LA LIBERTE

La Liberté
N'a pas de toit
Pas de temple
Pas de moral
Encore moins de Patrie.
Insupportablement
Déconcertante,
Cette Dame
Fait peur à ceux
Qui sont allergiques
Aux grands espaces.

La liberté est libre....

Jean Van Nostrand
27.12.1968

 

 

 

FLASH

Un chat noir
Qui s'enfuit
Dans le noir
Et l'ennui
A Minuit !

Un décor
Un voile
Et un corps
S'dévoile
Dans un port

Une gare
Un rencard
Un retard
Le cafard
Dans un bar

Un crève-coeur
Un amour
Qui se meurt
Pour toujours
Au p'tit jour
Au p'tit jour

 

 

 

DANS TES YEUX

Dans tes yeux
Une lueur de folie
Aussi d'une amie
Des perles de larmes
Une arme qui désarme
Dans tes yeux

Dans tes yeux,
Un monde à l'envers
Un monde de Prévert
Un cri de liberté
Un feu d'éternité
Dans tes yeux

Dans tes yeux,
Des souvenirs froissés
Quelques désirs cachés
Une pluie d'étoiles
Et je mets les voiles
Dans tes yeux.

 

 

 

LIBERTINE JALOUSIE

Depuis que je t'apprends par coeur
Et que j'entends battre ton coeur
J'ai tiré la carte de coeur
Ma petite soeur, côté coeur
Ma petite soeur, côté coeur

A vouloir marcher près de toi
Contre la pluie, vents et amants
Poussé par un je ne sais quoi
Qui ressemble à un aimant
Qui ressemble à un aimant

Oh! ma Cité de Carthage
Oh! ma forteresse d'illusion
Ma bouée de sauvetage
Et ma contre révolution !
Et ma contre révolution !

Oh! ma Sicav voyageuse
Ma suceuse de carte bleue
Mon éternelle resquilleuse
Ma princesse de banlieue !
Ma princesse de banlieue !

Oh! ma voilure de haute mer
Ma libertine jalousie,
Mon ancre et ma chimère,
Ma flamme d'Andalousie,
Ma flamme d'Andalousie,

Ma comédienne infidèle,
Sirène des entre-deux scènes
A dénouer tes noeuds de ficelle
Oh! ma tour de Nesle, ma Seine !
Oh! ma tour de Nesle, ma Seine !

Oh! ma charmeuse de serpent
Ma pourvoyeuse d'emmerdement
Oh! ma lame à double tranchant
Mais aux anges de temps en temps !
Mais aux anges de temps en temps !

 

 

 

J'AI COMME UNE ENVIE

J'ai comme une envie de déserter la vie
J'ai comme une envie de n'avoir plus envie
J'ai rêvé d'une planète sans cris ni vie
Dans laquelle la mort serait bien punie

L'envie de prendre l'éternité par la main
Partir, m'en aller par de cosmiques chemins
Là, où j'oublierai tous ces charlatans d'humains
Qui m'ont rendu si pénible chaque matin.

Oui, l'envie de recycler mes amours déçus
De les jeter dans les poubelles du vécu
Effacer l'passé d'un revers de mémoire
Dérouler le film à l'envers de l'histoire
Dérouler le film à l'envers de l'histoire.

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